Fondateur du cabinet AntoLogis
Expert en marketing immobilier
bornotgerard@yahoo.fr

Honoraires lowcost, Coups bas portés à la profession, ou réalisme économique ?

Phénomène de mode ou évolution durable, le lowcost est de plus en plus présent dans la stratégie marketing des entreprises, la persistance de la crise encourageant les consommateurs à rechercher le meilleur rapport qualité/prix.

Une étude des Cahiers de la consommation révèle que l’attention portée aux prix a progressé de sept points entre 2011 et 2012.

Soldes, promotions, achats groupés, en toute circonstance, pour des achats de consommation courante, ou pour des investissements plus importants, le consommateur est à la recherche d’économies, et l’immobilier n’échappe pas à ce phénomène.

UN COMPORTEMENT ENCOURAGE PAR LE DEVELOPPEMENT DE L’INTERNET

Révolution internet oblige, en matière d’immobilier le premier reflexe d’un particulier est désormais de se connecter sur internet qui devient la première vitrine des agences immobilières, en lui permettant d’accéder sans se déplacer à une multitude d’informations, de comparer les biens proposés, ou encore de trouver des réponses à ses questions sans passer par un intermédiaire. De plus en plus nombreux des sites ouverts au grand public proposent une estimation gratuite de leur bien immobilier, suggérant inconsciemment au consommateur immobilier la possibilité de se passer du professionnel.

DES COMPARATEURS POUR UN ACHAT MALIN

Ces technologies contribuent à encourager chez le consommateur, une démarche d’enquêteur remettant en cause toutes les argumentations du négociateur de base.

Internet favorise ainsi une nouvelle liberté pour mieux se préparer à aborder un achat ou un service.

Plus de 2/3 des foyers français sont équipés internet, et majoritairement initiés à la comparaison des prix, que ce soit pour un séjour à l‘étranger, l’achat d’un ordinateur portable ou d’un salon de jardin.

L’achat immobilier qui engage des budgets importants pour de nombreuses années, incite à la plus grande prudence, et encourage l’acheteur potentiel à comparer avec beaucoup d’attention les services proposés par les agences, mais aussi leur cout, c’est-à-dire le niveau de rémunération affiché par l’agent immobilier.

Les nouvelles contraintes de la loi ALUR, et l’application rigoureuse du droit à la consommation nous obligent par ailleurs à afficher très clairement, sur toutes les publicités, papier ou web, le pourcentage d’honoraire dés lors que le mandat en fait supporter la charge aux acheteurs. Il est facile des à présent pour le consommateur de faire pour un même bien, une sélection, malheureusement simpliste à partir du taux de rémunération affiché, sans prendre nécessairement en considération le niveau de professionnalisme et la valeur ajoutée des services proposés.

Une enquête approfondie que j’ai pu réaliser lors de mes déplacements dans plusieurs régions, révèle que de gros efforts restent à faire dans ce domaine, malgré les rappels répétés des responsables des syndicats professionnels et des principaux réseaux.

Encore trop d’agents immobiliers, souvent non syndiqués ou rattachés à un réseau sérieux, méconnaissent leurs obligations en matière d’affichage des prix et des honoraires en application de la loi Hoguet (article 6-1, Créé  par loi n° 2014-366 du 24 mars 2014- art. 24 JORF 26 mars 2014) qui précise, que, si dans le mandat de vente, les honoraires sont prévus à la charge du mandant, le prix de vente indiqué tant dans le mandat que dans l’annonce correspondante ne doit pas comporter le mention « HAI ou FAI » (honoraires d’agence inclus).les services juridiques de la FNAIM. , soulignent que la DGCCRF considère, que cela revient, si tel est le cas, à faire supporter (indirectement) les honoraires à l’acquéreur. Dans ce cas, l’annonce doit mentionner le montant des honoraires TTC. , sous forme de pourcentage du prix de vente quel que soit le support utilisé (vitrine, site internet, publicité papier).

 

A la lecture de ce texte, l’annonce peut selon les services juridiques de la FNAIM. , être libellée de deux façons, au choix de l’agent immobilier :

 

–          soit prix de vente HAI dont honoraires X % TTC (charge acquéreur) ;

–          soit prix de vente + honoraires Y % TTC (charge acquéreur).

 

DES HONORAIRES DE PLUS EN PLUS BAS METTANT EN PERIL DE NOMBREUSES AGENCES

 

Ces nouvelles dispositions dévoilent hélas de nombreux dérapages :

  • Des annonces faisant apparaitre des taux de rémunération très faibles (2 à 3%) et en total décalage avec le barème affiché par l’agence.
  • Dans une même vitrine affichant un barème dégressif, une rémunération à 3,23% pour une vente à 140000€, à 5,65% pour une vente à 540000€.

Les réseaux de mandataires, pour la majorité d’entre eux « affichent » sur leurs sites leur barème national, certains donnant la possibilité à leurs mandataires de prévoir une tarification sur mesure. Une lecture attentive et poussée des principaux sites d’annonces m’a fait constater une décote souvent très importante des honoraires chez certains mandataires. Ce constat est également de plus en plus fréquent chez les agences « vitrées »

Ces pratiques sont de plus en plus fréquentes chez des négociateurs incapables de présenter une véritable offre de services, ce manque de compétences les obligeant à ajouter des « honoraires au rabais » au prix demandé par le vendeur, afin de proposer le bien à un prix « acceptable ».

 

En agissant ainsi, le négociateur, qu’il soit salarié ou agent commercial  se dévalorise auprès des vendeurs, et laisse penser que tout se négocie y compris les honoraires, alors que la réglementation impose à tout agent immobilier d’appliquer les barèmes affichés. J’ai été contacté ces dernières semaines par de nombreux agents immobiliers qui pratiquant ponctuellement des baisses d’honoraires, et ayant fait l’objet de contrôles de la DGCCRF. , se sont vus reprocher une « pratique commerciale trompeuse » et s’étonnent que les mandataires en réseau puissent par contre le faire ?

 

Je suis pour ce qui me concerne, partisan d’une facturation des honoraires au vendeur, ce qui évite de faire apparaitre la rémunération sur les annonces et les affichettes de vitrines. Cette politique est d’ailleurs suivie par les plus gros réseaux et les bonnes agences, qui s’emploient à former leurs négociateurs à justifier leurs honoraires en mettant en avant leurs compétences, et la qualité de leurs prestations.

Il serait bon par contre que l’on puisse « légiférer » pour que les honoraires ne soient pas dans ce cas « augmentatif du prix » pour le calcul des droits d’enregistrement.

 

L’internet permettant à nos clients d’actualiser et d’enrichir en continu leurs informations, l’acheteur à l’impression qu’il en sait beaucoup plus que le négociateur immobilier, et ne supporte de devoir payer 5 à 10 % de commission, qu’a la condition de recevoir un service sans faille. De plus en plus nombreux, les clients remettent en cause le niveau de commission pratiqué en France, s’appuyant sur des articles soulignant que la majorité des pays européens pratique des honoraires beaucoup plus faibles, incitant ainsi à négocier la commission de l’agent immobilier.

DES CHANGEMENTS DE COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS QUI FAVORISENT UN DEVELOPPEMENT IMPORTANT DES RESEAUX DE MANDATAIRES.

Le développement important des agences en ligne et des réseaux de mandataires, la crise économique, la baisse du pouvoir d’achat, la baisse de l’activité dans de nombreuses agences, sont autant de facteurs qui obligent les agences les plus fragiles et les moins professionnelles à faire du lowcost , en pratiquant régulièrement des baisses importantes de leur niveau de rémunération lors de la prise de mandat, et lors de la négociation du prix avec les parties.

Le site meilleurs reseaux.com, parfaitement documenté, recense 71 réseaux qui comptent 9103 mandataires à ce jour, avec un effectif en progression de 17% par rapport à aout 2014.

Les principaux réseaux sont assez transparents sur leurs résultats, qui sont d’ailleurs consultable sur infogreffe. Pour 2013 les 10 premiers réseaux qui représentent près de 80% des mandataires, affichent un résultat d’environ 160 millions, ce qui représente après abattement des cotisations moyennes versées mensuellement par les mandataires et considérant des honoraires moyens ht., de 6500€, une production approximative de 25000 transactions, soit 3,5% des 699000 transactions en ancien réalisées en 2014.

4 de ces réseaux ayant diffusé leurs résultats 2014, affichent une progression moyenne de 35% de leur CA. Il n’est donc pas irréaliste d’envisager pour les seuls 10 premiers réseaux, 30000 transactions cette année, un seul de ces réseaux annonçant 4800 transactions en 2014. Selon les estimations du cabinet d’études sectorielles Xerfi « les réseaux mandataires ont réalisé environ 6 % des transactions dans l’ancien en 2012 et leur part de marché pourrait avoisiner entre 9 % et 12 % à l’horizon 2015 ». Ces chiffres probablement très optimistes confirment que l’arrivée dans la profession de cette nouvelle forme d’organisation est à prendre au sérieux.

 

UN ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE QUI OBLIGE LA PROFESSION A S’INTERROGER SUR LES HONORAIRES A PRATIQUER

Une étude de la direction générale des finances publiques fait ressortir qu’entre 2000 et 2010, les prix au M2 dans les plus grandes villes françaises,ont augmenté 5 à 10 fois plus que le revenu moyen imposable par foyer fiscal. Dans un tel contexte, comment faire accepter à des clients de mieux en mieux informés, et de plus en plus sollicités sur un marché très concurrentiel, que les revenus des agents immobiliers soient indexés sur les prix de l’immobilier.

Il convient de souligner que cette « indexation » des revenus des agences, profite surtout à l’état et aux collectivités locales qui prélèvent pour l’essentiel ce que l’on appelle injustement frais de notaires.

Mes propos vont sans aucun doute heurter nombre de professionnels parmi lesquels je compte de nombreux amis, mais je ne vois pas comment éluder cette question essentielle, lorsque l’on sait que le logement est aujourd’hui le 1° poste de consommation des ménages.

Dans d’autres secteurs économiques, l’automobile, le transport aérien, la grande distribution, l’hôtellerie, de grandes marques et de grandes enseignes, qui associaient lowcost et produits ou services bas de gammes, ont été contraintes d’admettre la portée de ce phénomène, et de prendre en compte ces nouveaux comportements des consommateurs. Après le transport aérien avec Ryan Air ou Easy Jet, désormais deuxième compagnie intérieure en France, l’hôtellerie avec Hôtel F1 ou encore l’automobile avec Dacia, c’est au tour du monde du luxe d’être touché, avec le développement d’une offre lowcost par le joaillier Mauboussin.

Lancée en début d’année, Ouigo, l’offre de TGV duplex lowcost de la SNCF, qui vise à répondre à l’offensive des transporteurs aériens lowcost sur les lignes intérieures connaît des débuts encourageants, grâce à l’association prix réduits et vitesse TGV.

LA NECESSITE DE S’INTERROGER SUR LA REELLE VALEUR AJOUTEE DES SERVICES PROPOSES

Il est grand temps pour la profession de cesser ces querelles stériles qui opposent les partisans de l’agence traditionnelle aux réseaux de mandataires immobiliers, les syndicats professionnels aux réseaux commerciaux, Duke Ellington disait : « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise musique, que de bons ou mauvais musiciens.

Je pense pour ma part qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais statut – salarié ou agent commercial, mais que des bons ou des mauvais négociateurs. Par contre le peu de productivité constaté chez beaucoup trop de négociateurs, qu’ils soient dans une agence traditionnelle ou dans un réseau de mandataires doit nous contraindre à réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la productivité des agences, et leur permettre de regagner des parts de marché, afin de compenser des baisses d’honoraires qui me paraissent inévitables dans la conjoncture actuelle

Les bons contacts que j’entretiens avec la plupart des responsables de réseaux, et de syndicats professionnels, et les chiffres qui me sont communiqués, me permettent de constater que les 5 plus importants réseaux annoncent avec beaucoup de transparence une production moyenne annuelle par agence de 30 à 45 ventes, pour des équipes de 2 à 4 négociateurs. Ces réseaux représentent environ 13% des transactionnaires recensés, pour une production annuelle cumulée en 2013, d’environ 150000 transactions, soit prêt du tiers du marché détenu par les agents immobiliers transactionnaires. Il convient de souligner d’autre part qu’un bon nombre de ces agents immobiliers sont syndiqués FNAIM,  et que cette dernière, lors de son assemblée générale à voté des dispositions prévoyant un régime spécifique pour l’adhésion des enseignes nationales, groupes et réseaux de franchise.

Je n’oublie pas non plus les agences « isolées » dont certaines syndiquées, montrent un grand professionnalisme, et jouissent d’une grande notoriété, leur permettant d’afficher des performances très supérieures à la moyenne.

 

UNE BAISSE INQUIETANTE DES HONORAIRES QUI INCITE DE PLUS EN PLUS D’AGENTS IMMOBILIERS A « RECRUTER » DES AGENTS COMMERCIAUX

 

Pour justifier des honoraires à « bas cout », les dirigeants des principaux réseaux de mandataires avancent comme argument l’absence de cout d’installation (locaux, vitrines, etc.) les mandataires travaillant à partir de leur domicile.

Je ne partage que très modérément cette argumentation, observant que dans une agence traditionnelle ce poste, ne « pèse » que 3 à 5% du compte d’exploitation, bien apres le poste salaires chargés (50 à 55%) et le poste publicité (8 à 12%)

Il est certain par contre, au vu des faibles productions constatées dans beaucoup d’agences que j’ai pu auditer, qu’une agence vitrée n’est pas rentable dans des petites localités ou le marché est insuffisant pour justifier l’emploi de plusieurs négociateurs salariés.

 

Considérant que l’augmentation du chiffre d’affaires d’une agence passe par le développement de la taille de l’équipe, de plus en plus d’agents immobiliers, remplacent des négociateurs salariés insuffisamment productifs, par des agents commerciaux.

En allégeant leur masse salariale, et en augmentant leurs forces commerciales, ils parviennent ainsi à améliorer les résultats comptables de leur structure.

 

Le trop grand nombre de création de réseaux de mandataires et les belles promesses qu’ils affichent pour attirer de nouveaux mandataires, peuvent laisser craindre de douloureuses désillusions, pour des débutants dans la profession.

La lecture de certains sites, et les nombreux appels mystères que j’ai pu réaliser, soulignent une « insuffisance professionnelle » affligeante, qui ne peut que nuire à la profession. Ces réseaux qui ne vivent ou survivent que grâce aux « redevances mensuelles » payés par des mandataires, et à l’addition des résultats de petits producteurs, ne devraient pas résister très longtemps. Les responsables des réseaux sérieux l’ont bien compris, privilégiant un travail de fonds, en matière de formation et d’accompagnement, afin de fidéliser leurs bons mandataires, et de développer la notoriété de leurs enseignes.

 

Cette percée des réseaux de mandataires immobiliers à souvent fait l’objet de procès en manque de professionnalisme de la part des acteurs traditionnels de l’immobilier. Les réseaux de mandataires se sont lancés dans une vaste opération de moralisation aboutissant en février 2013 au lancement du Syndicat des Réseaux de Mandataires en Immobilier (SYREMI).qui a pour objectif prioritaire d’accompagner les réseaux dans leur politique de professionnalisation et de développement par le biais de formations obligatoires, et d’engagements formels (charte éthique), afin de remettre de l’ordre dans les pratiques des réseaux de mandataires.

Ces nouveaux arrivants, la percée de l’internet et des nouvelles technologies, et les contraintes de la loi ALUR. , tres critiquables sur de nombreux points, doivent amener les bons professionnels, quels que soient leurs statuts, à se remettre en cause. Ceci passe bien évidemment avec un travail d’amélioration de la qualité de service, afin de justifier des taux de commission raisonnables, par un niveau de service irréprochable.

 

Gérard Bornot